Institut International de la Marionnette,
Colloque International

Dates: 20-22 novembre 2014
Lieu: Charleville-Mézières
Deadline:  1er mars 2014

Ce colloque international s’enracine dans un triple constat. Celui d’une carence d’études historiques, sociales et politiques dédiées aux théâtres de marionnettes. Tout d’abord. Celui, ensuite, du lien étroit qui lie la marionnette au pouvoir dans les représentations et imaginaires collectifs, qu’elle soit revendiquée comme ontologiquement subversive par les marionnettistes eux-mêmes, utilisée comme métaphore d’une humanité vaine et manipulable dans le langage courant et dans les médias, ou encore, dotée d’une innocuité de principe lorsqu’elle est ravalée au rang de divertissement parfaitement naïf et inoffensif pour l’enfance. Ainsi, envisagée du point de vue de ses pouvoirs ou de ses rapports aux pouvoirs, la marionnette apparaît au carrefour de conceptions et d’imageries dont la prégnance, toutefois, n’a d’égale que la dimension contradictoire, du moins paradoxale. Enfin, il s’avère que l’actualité de la création marionnettique offre depuis quelques années une foule d’exemples témoignant de la vitalité d’une veine satirique voire d’un théâtre d’agit-prop (on pense par exemple à l’émission Top Goon, histoires d'un petit dictateur du collectif syrien MasasitMati), tandis que la numérisation ou l’ouverture d’archives longtemps protégées donne matière à de nouvelles recherches.

Trois années de journées d’étude et de séminaires ont permis, depuis novembre 2011, un premier défrichage de ces questions, à travers l’examen successif des relations qu’entretiennent les spectacles de marionnettes aux formes de censure, de propagande, de résistaance. Dans le cadre de ce colloque, qui réunira chercheurs et artistes, il s’agira de mobiliser conjointement ces trois notions afin de questionner les relations que, du XIXe siècle à aujourd’hui, les théâtres de marionnettes ont entretenu avec le pouvoir (politique, juridique, économique, religieux etc.), en prenant acte des apports de la méthode foucaldienne pour ne pas se limiter aux approches idéologiques : « le pouvoir n’est pas quelque chose qui s’acquiert, s’arrache ou se partage, quelque chose qu’on garde ou qu’on laisse échapper ; le pouvoir s’exerce à partir de points innombrables, et dans le jeu de relations inégalitaires et mobiles».

À la faveur d’un travail approfondi et contextualisé sur les répertoires, les techniques, les esthétiques et les pratiques, les communications s’attacheront à identifier les composantes et les dynamiques de ces jeux et enjeux de pouvoir.

Nous proposons ci-dessous, à titre indicatif et non exhaustif, quelques questions qu’il nous intéresserait tout particulièrement de voir traiter :

 Axe 1. Les pouvoirs de la marionnette

De par ses propriétés physiques et ontologiques, il semble que la marionnette ait une propension à s’offrir comme instrument privilégié de levée des résistances, de contournement voire d’affrontement des tabous et des traumatismes, individuels ou collectifs. À partir de ce constat général, on questionnera l’efficacité de la marionnette selon les techniques et esthétiques mises en jeu, les publics auxquels elle s’adresse, le cadre opérant dans lequel elle est sollicitée (rue ou salons, scène clandestine ou théâtre d’Etat, meeting ou cabinet, spot publicitaire ou lieu de culte). Par ailleurs, prenant acte du fait qu’en diverses circonstances, les autorités (politiques et/ou religieuses) ont condamné ou restreint les formes et champs d’action de la marionnette, il sera intéressant de s’interroger, de façon circonstanciée, sur les motifs qui ont pu faire apparaître telle ou telle forme de marionnette comme particulièrement dangereuse ou dérangeante. À quels pouvoirs de nuisance les associe-t-on alors ? Qu’est-ce qui explique (officieusement) ou légitime (officiellement) le désir et l’exercice d’un tel contrôle ?

- Caricature, humour, merveilleux, cruauté… Quel arsenal pour la marionnette ?
-  "Jouer", "montrer", "animer" ou "manipuler" ? Définitions de l'action du marionnettiste et activité du spectateur (étude comparative dans divers horizons linguistiques).
-  Usages éducatifs (scoutisme, éducation populaire, religieuse, pédagogies alternatives, réseaux humanitaires) et thérapeutiques de la marionnette. Relations des marionnettistes avec les institutions vouées à l’encadrement et l’accompagnement de l’enfance et de la jeunesse.
-  Usages militants, usages partisans, usages commerciaux de la marionnette.

Axe 2. La marionnette en contexte de crise

On tâchera d’analyser les jeux de censures, usages propagandistes et réactions de résistance dans plusieurs contextes critiques, en prenant soin d’en dégager les effets sur les répertoires, les esthétiques et les pratiques.
-  Marionnettes en temps de guerre : marionnettes au front ou à l’arrière, marionnettes dans les camps de travail ou de concentration.
- Marionnettes et révolutions (Française ou Bolchévique, Printemps Arabes etc.)
- Marionnettes et occupation, colonisation, post-colonialisme. Personnages populaires, patriotisme et nationalisme ; représentations de l’autre.
-   Marionnettes en temps de crise économique. Matériaux pauvres, récup’, recyclage : résistance ou symptôme ?
- Marionnettes (géantes, habitées, portées, brandies…) dans les formes de manifestation ou de contestation populaires. À quelles occasions, dans quels espaces et comment s’approprie-t-on ces codes et joue-t-on de ces usages plus ou moins rituels ?

Axe 3. Militance et autorégulation : histoire et actualité de la construction politique et économique d’une profession

Les arts de la marionnette continuent, au même titre que d’autres formes dites « mineures », « populaires », « autres », d’être l’objet d’une forme de censure économique et symbolique : ils bénéficient d’une moindre reconnaissance, de moins de lieux et de moins de financements que le théâtre d’acteurs. Ce constat demande toutefois d’être remis en perspective dans un contexte socio-professionnel, statistique et économique plus large.
Tout au long du XXe siècle, les marionnettistes se sont organisés, à l’échelle nationale (associations et syndicats) et internationale (UNIMA) afin de lutter contre un état de fait dominant – assimilation du théâtre de marionnettes à une forme mineure et/ou enfantine – et d’accéder à une reconnaissance symbolique, juridique et économique.

Il s’agirait alors de questionner les discours déployés et les moyens mis en œuvre par les marionnettistes pour défendre, propager et imposer leurs idéaux et revendications, mais aussi d’analyser le fonctionnement des structures et politiques mises en place, ainsi que les jeux de censure, autocensure, tensions et résistances qui les travaillent aujourd’hui.

- Histoire de la politique interne et externe de l’Union internationale de la marionnette ;
-  Géographie, sociologie, économie, politique des relations entre compagnies et instances de programmation et de diffusion (étude comparative entre différents pays).
-  Histoire de l’organisation nationale des professionnels (étude comparative entre différents pays).
-  Évolution de la relation entre le monde des amateurs et celui des professionnels, cas d’étude (le TJP à Strasbourg par exemple.)
-  L’engagement à travers l’action culturelle : une mise en péril du statut de l’artiste ?

Pour explorer ces questions, les contributions pourront s’appuyer sur l’exploration de fonds d’archives encore peu exploités:
-     Enquêtes ethnographiques effectuées auprès des marionnettistes par le Musée National des Arts et Traditions Populaires (CCR du MuCEM) ;
-  Suppliques adressées aux municipalités ;
-   Archives de la famille Neichthauser (Lyon et Brindas) ;
-   Répertoires censurés (Archives nationales, musées etc.) ;
-   Archives de l’Outre-Mer ;
- Archives et publications des syndicats de l’industrie et du chemin de fer, des associations, patronages, mouvements scouts ;
- Les archives des structures professionnelles en France et à l’étranger (Union des montreurs de marionnettes, Centre national de la marionnette, THEMAA, Puppeteers of America etc.)
-   Les archives de l’UNIMA internationale et de ses centres nationaux (partiellement numérisées et accessibles sur le Portail des Arts de la Marionnette)

Les propositions de communication ou de poster (environ 1 page), en français ou en anglais, accompagnées d’une courte notice biobibliographique, sont à adresser avant le 1er mars 2014 aux deux organisatrices du colloque:
Julie Sermon
julie.sermon@univ-lyon2.fr
Raphaèle Fleury
recherche.institut@marionnette.com


Comité scientifique: Hélène Beauchamp (Université Toulouse-Le Mirail) ; John Bell (Ballard Institute, Université du Connecticut) ; Amos Fergombé (Université d’Artois) ; Raphaèle Fleury (Institut International de la Marionnette) ; Garry Friedman (Puppetry News – Gary Friedman production) ; Joël Huthwohl (Bibliothèque nationale de France) ; François Lazaro (Clastic Théâtre ; THEMAA) ; Chantal Meyer-Plantureux (Université de Caen) ; Olivier Neveux (Université Lumière-Lyon 2) ; Didier Plassard (Université Paul Valéry-Montpellier 3) ; Julie Sermon (Université Lumière-Lyon 2) ; Jean-Claude Yon (Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines).

Colloque organisé par l’Institut international de la marionnette / Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières, avec le soutien de l’EA Passages XX-XXI (Université Lumière-Lyon 2), et Textes et Cultures EA 4028 - Praxis et esthétique des arts (Université d’Artois), en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, le musée des marionnettes du monde (Gadagne musées) et THEMAA.