Journées d'étude : Espaces dynamiques

dates: 
lieu:  École Normale Supérieure de Paris

Vol. 1 : « L'accueil »

Espaces dynamiques est le nom d’une série de journées d’études consacrées à l’entrecroisement des études en danse et de la phénoménologie autour de trois concepts moteurs : l’accueil (10 décembre 2016), la métamorphose (avril 2017) et la chute (décembre 2017). Ces journées d’études sont organisées à l’École Normale supérieure de la rue d’Ulm par Romain Bigé et Katharina Van Dyk, avec le soutien de l’école doctorale SACRe (Science Arts Création Recherche) de PSL*.

L’espace et le mouvement

Certains phénoménologues, en particulier Erwin Straus, Maurice Merleau-Ponty et Henri Maldiney, sont régulièrement requis dans le champ des études en danse françaises. Le recours à ces phénoménologues est particulièrement présent dans les esthétiques ou poétiques de la danse contemporaine, mais pas seulement puisqu’on retrouve ces trois phénoménologues comme points d’appuis opératoires dans des champs aussi différents que l’analyse du mouvement dansé, l’anthropologie et plus généralement la philosophie de la danse.

Le fait est que, même si ce n’est que de manière marginale, ces trois philosophes se sont intéressés à la motricité particulière mise en jeu dans le mouvement dansé : c’est Straus qui en avait ouvert l’investigation dans un article sur les « Formes du spatial », que reprennent largement les deux derniers philosophes, l’un dans son chapitre sur « L’espace » de la Phénoménologie de la perception, l’autre dans les thématiques du vertige et du vide abordées dès Regard Parole Espace. Dans les trois cas, on le voit, c’est au travers de l’analyse particulière de la spatialité que la danse intervient comme motif : elle semble être, chez ces phénoménologues, l’initiatrice à la question d’un espace autre que celui de la perception naïve, comme la danse est chez Foucault le modèle génératif des espaces utopiques. La prise en compte du mouvement à l’œuvre dans l’être-à-l’espace est bien en ce sens ce qui réunit les investigations des projets phénoménologiques de Straus, de Merleau-Ponty et de Maldiney.

C’est à partir de ce point où le geste précède les corporéités et l’espace où elles s’inscrivent que cette journée d’étude se propose de prolonger les travaux de ces phénoménologues. C’est en effet dans cette perspective que l’élucidation des thèses phénoménologiques n’est pas seulement susceptible d’éclairer les pratiques de danse et leurs redéfinitions de la sensorialité, mais aurait encore tout à apprendre des propositions esthétiques des artistes chorégraphiques. La danse cesserait alors d’être pour elle une unité de principe sous laquelle se lisent encore trop souvent les seuls indices de la légèreté ou de l’anti-gravité ; et les pratiques de danse, comme savoirs-sentirs rigoureux, pourraient lui apparaître comme autant d’outils pour penser le mouvement et les perceptions qui en sont solidaires.

Accueillir : un geste entre danse et phénoménologie

Le geste d'accueillir est le premier que nous envisagerons dans la série que forment ces journées d'études. C'est que dans l'accueil, s'exprime de manière primordiale le caractère dynamique et relationnel de notre présence à l'espace. Loin que je dispose du monde et a fortiori des espaces que j'y habite (foyer, maison, autant que lieu de travail ou de loisir) comme un déjà là, cet espace n'existe qu'à mesure où quelqu'un.e ou quelque chose m'y fait une place, c'est-à-dire m'y accueille. Comme Heidegger le remarquait déjà dans Bâtir habiter penser, c'est l'habiter, comme acte d'être-à-l'espace, qui constitue les coordonnées du lieu telles qu'une construction peut y voir le jour : je n'habite pas dans du construit, mais plutôt je construis parce que j'habite. C'est ce qu'à son tour Jan Patočka, dans Le monde naturel et les mouvements de l'existence humaine, relève à propos de la relation dynamique entre accueil et enracinement : néoténique, l'être humain requiert le soin de l'entourage pour être intégré au monde, il ne peut s'enraciner que dans un espace qui est préparé à le recevoir. Cette nécessité, pour Patočka, que l'accueil me soit fait pour que je puisse m'ancrer, transie l'existence humaine de part en part : le fait que le chez soi nous soit primordialement ouvert par l'autre accompagne tout rapport à l'espace, quel que soit les niveaux de réalité (économiques, artistiques, politiques...) considérés.

L’idée d’un espace constitué par l’enracinement contraste avec le concept moderne d’espace comme forme anonyme et extérieure (partes extra partes) : il permet de penser le caractère affectif et personnel d’espaces qui ne sont tels que parce que nous les habitons. On peut reprendre au penseur de la danse Hubert Godard son concept de paysage subjectif pour penser ce mode d’être (notamment dans ses entretiens sur Les trous noirs et Le geste manquant). Ce que Godard appelle encore « l’espace phénoménologique » désigne cette idée que l’espace dans lequel chacune évolue est marqué par l’histoire de sa construction dans la genèse de l’individu autant que de la tribu qui l’accueille ; avoir vécu entouré de montagnes ou en bord de mer change la représentation de ce qu’on peut attendre de l’espace – la verticalité ou l’horizon, le retour au foyer synonyme de chaleur ou de fraîcheur selon les latitudes constituent pour chacun un « lieu d’herbe » où l’individu trouve une forme de repos. L’accueil constituerait ainsi un ensemble d’appui sur lesquels se construisent les gestes : il invite à une certaine attitude envers le monde, qui est également une attitude envers le poids – une posture.

Quels espaces nos gestes façonnent-ils pour y permettre l’incursion de l’extériorité ? Quels mouvements propritiatoires sont nécessaires à l’entrée en danse ? À quoi je m’expose lorsque je définis mon espace comme susceptible d’intégrer le regard, le geste d’autrui ? Ce sont ces questions que nous voudrions poser et affiner lors de cette première journée d’étude danse/phénoménologie.


Programme

9:00-11:30 (duo)

Mandoline Whittlesey
& Alice Godfroy

11:30-11:50 (pause)

11:50-12:05 (introduction aux journées)

Romain Bigé et Katharina van Dyk : Danse et phénoménologie dynamique

12:05-13:00 (présentations)

Dragos Duicu : Articulation de l’espace et mouvement d’enracinement
Frédéric Jacquet : L’art, l’imaginaire et la naissance

13:00-14:00 (repas)

14:00-16:30 (duo)

Catherine Contour
& Anne Boissière

16:30-16:50 (pause)

16:50-18:00 (présentations)

Jean Clam : La demande d’accueil et son geste
Myriam Lefkowitz

18:00-18:30 (groupes de discussion)

 

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