Michel Bernard : disparition d'un des fondateurs de la recherche en danse

17 mars 2015

Nous sommes tristes et émus, Michel Bernard vient de mourir, un des fondateurs de la recherche en danse au sein de l’université française. Il nous quitte quelques mois seulement après Robert Crang, l’un à Paris, l’autre à Nice, ces artisans des départements danse nous ont laissé un terrain avec de belles fondations. Nous sommes nombreux aujourd’hui à avoir été nourris par les recherches et les écrits de Michel Bernard. Il a donné place à la recherche dans un milieu universitaire peu enclin à découvrir la danse, mais il a aussi partagé et suscité les réflexions dans les lieux de pratique où était interrogée la danse contemporaine. C’est grâce à lui, aux cotés de quelques autres figures essentielles, que la recherche en danse continue à s’inventer et des pensées critiques de la danse à se diffuser.

Joëlle Vellet, présidente de l’aCD

Merci aux enseignants chercheurs de l’Université de Paris 8 de nous permettre de reproduire le texte qu’ils viennent d’écrire.

« Michel Bernard, philosophe par tous les pores de sa peau, interrogeant inlassablement l'expressivité du corps et ce qu’il appelait « la corporéité dansante », fut depuis plus de trente ans obstinément et passionnément curieux de danse contemporaine. Spectateur inlassable, ami de très nombreux danseurs et chorégraphes, professeur généreux et exigeant, étranger à toute côterie et snobisme, auteur d’une pensée aussi érudite que prolixe, aussi rigoureuse que soucieuse d’être au plus près de l’expérience en danse et de ses métamorphoses, il fut notre élan fondateur et vital.

Agrégé de philosophie et docteur d’État, il fit une carrière nomade. Durant huit ans, comme enseignant de philosophie à l’ENSEP, il forma d’abord des sportifs de haut niveau à l’esprit critique en psychopédagogie (1960-1968). De 1968 à 1984 il enseigna au département de philosophie de l’université de Nanterre, puis à l’université d’Avignon durant trois ans pendant lesquels il fonda un Institut de Recherches sur les Arts du Spectacle (1984-1987).

Enfin, accueilli par le département Théâtre de l’Université de Paris 8, il créa le département Danse de Paris 8 en 1989, six ans avant son départ à la retraite. Contre vents et marées, de manière visionnaire, il conçut ce département avec un collectif de danseurs et chercheurs, et le voulut au service des artistes et des chercheurs en danse. Inauguré par l’artiste Trisha Brown, une des sources essentielles de sa philosophie de la danse, son projet autant pédagogique que philosophique, a profondément déplacé la relation entre la danse contemporaine et la recherche à l’université.

Outre son petit ouvrage fort connu, Le corps, (Points Seuil en 1995), sa thèse importante sur L’expressité du corps, Recherches sur les fondements de la théâtralité (publiée dès 1976), sa Critique des fondements de l'éducation ou généalogie du pouvoir et/ou de l'impouvoir d'un discours" (1988), il rassemblait ses articles essentiels sur la danse contemporaine dans De la création chorégraphique (2001). Encore très actif, il venait de publier une Généalogie du jugement critique, suivi de Considérations intempestives sur les dérives actuelles de quelques arts, en 2011.

Son efficace utopie, son caractère intempestif, son goût radical pour ce qu’il aimait appeler “l’activité fictionnaire du travail de la sensation”, nous a permis à tous comme à chacun, singulièrement, d’être là où nous sommes aujourd’hui ».

Les enseignants-chercheurs du département Danse de Paris 8, Isabelle Ginot, Hubert Godard, Mahalia Lassibille, Isabelle Launay, Sylviane Pagès, Julie Perrin, Christine Roquet. Et Joana Roy, coordinatrice du département Danse de Paris 8.